Le site dialogues avec l’ange {documents} publie le récit des démarches qui ont permis à Gitta Mallasz d’être reconnue « Juste parmi les nations » pour son action comme « commandante » de l’usine de guerre de Katalin de juin à décembre 1944. Grâce à son courage et sa sagacité, la « scribe des anges » a ainsi pu sauver une centaine de femmes et d’enfants juifs.
Alors que la déportation des juifs hongrois vers les camps de la mort se poursuivait avec une efficacité jamais atteinte jusqu’alors, Gitta Mallasz accepta, à titre bénévole, de devenir commandante d’une usine de confection pour l’armée hongroise dont les ouvrières étaient juives. L’usine avait été installée dans un ancien couvent de Buda par un prêtre catholique, le Père Klinda. Elle était placée sous la protection du ministère hongrois de l’armée et de la nonciature et bénéficiait d’une extraterritorialité, ce qui garantissait sa sécurité, jusqu’à l’arrivée au pouvoir des nazis hongrois en octobre 1944, qui subodoraient le pot aux roses. C’était une situation ahurissante : des victimes travaillaient sous la protection des alliés de leur bourreaux… avec une commandante qui faisait régner une discipline militaire et en même temps, avec deux amies, Hanna et Lili, recueillait des messages angéliques dans une cabane au milieu du jardin. Le plus incroyable sera atteint lorsque, le 2 décembre, les nazis hongrois ayant envahi l’usine, les ouvrières s’évadèrent avec l’aide des SS allemands qui habitaient la propriété voisine grâce à un stratagème de la commandante.
On doit à Monique Guillemin l’initiative de demander le statut de « Juste » pour Gitta car, explique-t-elle, « ses livres l’avaient beaucoup aidée dans des périodes difficiles de sa vie ». Pour l’aider à constituer ce dossier, elle eut la chance de trouver un Hongrois, ancien résistant à Grenoble, Imre Boc. L’élaboration du dossier leur demanda deux ans (2007-2009). Les débuts furent difficiles, l’histoire de Katalin étant inconnue des services officiels. Enfin, ils entrèrent en contact avec la nièce du Père Klinda qui leur communiqua le dossier qui avait permis à son oncle d’être reconnu comme Juste, puis trouvèrent deux femmes qui avaient séjourné, enfants, à Katalin et acceptèrent de témoigner. La requête fut envoyée le 16 avril 2009 et la réponse arriva le 12 mai 2011. La cérémonie, très émouvante, se tint à Paris le 13 mai 2012 au Collège des Bernardins.
D’autres témoignages ont été découverts depuis :
- celui de Susanna Erbstein, qui raconte la première incursion des nazis hongrois dans l’usine (il y en eut deux) et comment une intervention – in extremis – de la nonciature, les sauva de la déportation. Son témoignage figure dans un livre consacré à son père, Ernö Erbstein, une figure du football européen d’avant et d’après-guerre.
- celui d’Andreas Rusznyak, alors âgé de huit ans, qui raconte lui aussi comment il a vécu la première descente des « Croix fléchées » et réussi à leur échapper avec des fillettes de son âge. Andreas est le fils d’Erzsébet Rusznyak, qui travaillera après la guerre avec Gitta.
Françoise Maupin
A lire dans Gitta Mallasz, Juste parmi les nations :
- Au péril de sa vie, Gitta Mallasz, Budapest 1943-1944, d’Imre Boc, qui raconte les péripéties qui ont jalonné la constitution du dossier pour Yad Vashem.
- Un extrait du livre Erbstein : The triumph and tragedy of football’s forgotten pioneer, de Dominic Bliss, Blizzard Books (2014), traduit en français par Gabriel Oyharzabal et Françoise Maupin.
- Le témoignage d’Andreas Rusznyak, recueilli par Eric Lombard.