68 ans après, Gitta Mallasz reconnue « Juste parmi les nations »

14/05/2012

Gitta Mallasz vient de recevoir à titre posthume la médaille de Juste parmi les Nations pour avoir sauvé plus de 100 femmes et enfants juifs à Budapest en 1944. Les … Continuer la lecture de « 68 ans après, Gitta Mallasz reconnue « Juste parmi les nations » »

Gitta MallaszGitta Mallasz vient de recevoir à titre posthume la médaille de Juste parmi les Nations pour avoir sauvé plus de 100 femmes et enfants juifs à Budapest en 1944. Les lecteurs des Dialogues avec l’ange savent qu’elle avait accepté le commandement de l’atelier d’uniformes de Katalin dans l’espoir de sauver ses amies Hanna et Lili, mais qu’à son grand désespoir, elle n’y était pas parvenue. Il n’en reste pas moins que le 1er décembre 1944, la majorité des femmes et des enfants ont bien pu, grâce à son habileté et son sang-froid, échapper à l’arrestation et à la déportation. Les Croix fléchées venues les arrêter ne repartiront qu’avec seize d’entre elles, dont Hanna Dallos et Lili Strausz restées volontairement (voir Le dernier convoi).

Imre Boc

Imre Boc, économiste, journaliste et écrivain, qui a mené l'enquête pour Yad Vashem (Seven Angels Films, 2011)

Le Père Paul Klinda, à l’origine de la création de l’atelier, a été reconnu Juste parmi les nations en 1995, mais ce n’est qu’en 2007 qu’une Française vivant en Suisse, qui dit devoir beaucoup aux Dialogues, a entrepris de faire reconnaître celle qui a permis à cet atelier très particulier de fonctionner pendant 6 mois et de sauver ses pensionnaires. Yad Vashem l’a alors mise en contact avec Imre Boc, un juif hongrois, ancien résistant en 1943-44 à Grenoble, sans lequel elle n’aurait pu rassembler les preuves exigées. C’est lui qui a fouillé dans les archives et retrouvé deux témoins encore en vie. L’une d’elles, Susan Kelvin, née Kis, qui vivait à Londres, a longuement témoigné :

« Nous travaillions dans l’usine. Toutes celles qui avaient une machine à coudre avaient dû l’amener à Katalin. Ma mère en avait une à la maison, et nous l’avions amenée à l’usine. Nous étions assises dans l’atelier, en rang de 5 femmes. C’était une très grande salle, et il y avait des tas de chemises à faire pour l’armée. Certaine femmes ont appris aux autres à coudre à la machine. Ainsi cela a-t-il pu être fait très professionnellement. Il y avait une fantastique atmosphère spirituelle dans l’usine. Nous faisions même plus de chemises que ce qui était prévu, et quand nous avions fini, nous nous mettions à chanter, toutes ensemble ! Vraiment, nous travaillions à toute vitesse, et nous avions du plaisir… C’était comme d’aller au cinéma, au milieu de ces temps difficiles que nous traversions. »

Au-delà du témoignage historique, elle fait revivre, plus de 60 ans après, l’atmosphère extraordinaire qui régnait à Katalin, où la joie était palpable malgré la lourde menace au dessus de leurs têtes. Joie dont elle avait découvert la source :

« Je faisais partie d’un petit groupe de filles : Marianne Littkei, Eva Rosenberg et Marianne Fränkel – et nous quatre, nous avions l’habitude d’aller dans le jardin (il était immense), pour essayer d’apercevoir, à travers les buissons, Lili, Hanna et Gitta. Elles se rencontraient dans la petite cabane de Gitta. Un jour, Lili est arrivée par derrière et nous a surprises. Elle nous a regardées et nous a dit : « Alors, vous voulez savoir ce qui se passe ? Asseyez-vous, je vais vous le raconter. Mais ne vous cachez plus jamais derrière les buissons pour nous épier ! ». En fait, c’était des moments spirituels qu’elles vivaient là dans la cabane. Dès lors, chaque fois que nous en avions envie, nous tapions à la porte et demandions si nous pouvions méditer avec elles. Parfois elles disaient : « Non les enfants, nous sommes occupées, n’entrez pas. » Je ne sais comment, cela améliorait nos relations avec les autres pendant la semaine. Et nous, les jeunes, nous cherchions toujours à voir ce trio de femmes à travers les buissons. C’était notre principale conversation, en dehors des garçons. Les garçons, bien sûr, c’en était une autre ! Cela montre que des choses horribles peuvent se passer, mais que la vie continue. Et que ce sont les jeunes qui la font continuer. »

Remise du diplôme de Juste parmi les nations à Andrea Mallasz par Mme Anne-Marie Revcholesci du Comité français pour Yad Vashem et M. Sammy Ravel, ministre plénipotentiaire à l'ambassade d'Israël, le 13 mai 2012 au Collège des Bernardins à Paris.

Marguerite Kardos et Andrea Mallasz  après la cérémonie de reconnaissance de Gitta Mallasz comme Juste parmi les nations.

La médaille et le diplôme de Juste parmi les nations ont été remis le 13 mai 2012 à Paris à Andrea Mallasz, petite nièce de Gitta, par M. Sammy Ravel, ministre plénipotentiaire à l’ambassade d’Israël en France, en présence de l’ambassadeur de Hongrie, M. Laszlo Trocsanyi. Plus de 250 personnes assistaient à la cérémonie, parmi lesquelles Juliette Binoche, qui n'a pas connu Gitta Mallasz, mais pour qui les Dialogues avec l'ange est "le livre des créateurs", un livre qui, dit-elle, "lui a parfois sauvé la vie".

EL