Au commencement était le Silence
Du sein du Silence est né le Son.
C’est de cette façon que commence, le 24 novembre 1944, à Katalin, l’entretien 88, celui des adieux, comme le qualifiera Gitta Mallasz, qui, dans les Dialogues avec l’ange, raconte : « Dans le silence qui précède l’entretien, je sens une présence d’une intensité inexprimable, et tout à coup je sais que ce sera notre dernière rencontre, la rencontre des adieux ».
Ce texte très dense, évoque aussi la « force dévastatrice » qui a envahi Budapest, rappelle l’architecture des sept degrés de la vie, et LE célèbre – LUI - une dernière fois. En guise d’adieu, les anges s’adressent aux trois amies en leur disant :
Croyez-le ! L’Éternelle Vie est déjà vôtre.
Ainsi s’achève, aussi soudainement qu’elle avait commencée, une des plus incroyables aventures spirituelles du XXe siècle, commencée à Budaliget dans une paisible banlieue de Budapest, poursuivie à Buda au couvent Katalin transformé en usine de guerre pour protéger une centaine de juives et dont Gitta a accepté le commandement.
La suite appartient à l’Histoire.
Une semaine plus tard, le 2 décembre, les nazis hongrois feront irruption à Katalin. Gitta se précipite alors chez les SS allemands qui occupent la villa voisine auxquels – grâce à sa pratique parfaite de l’allemand, sa langue maternelle – elle a fait croire qu’elle était une « compatriote en terre étrangère » et s’est liée d’amitié avec eux à tel point qu’elle a fait aménager une ouverture entre leurs deux jardins, celui des SS donnant sur une grande forêt. Au cas où…
Ce 2 décembre, l’occasion est là. Les nazis hongrois envahissent Katalin. Gitta donne l’ordre à toutes les ouvrières de s’enfuir, ce qu’elles feront … sous la houlette des allemands qui les protègent, grenade à la main, tenant en respect leurs homologues hongrois.
Seules quelques femmes refuseront de partir, dont Hanna et Lili. Elles seront déportées à Ravensbrück et mourront, dans des conditions abominables, en février 1945, dans un wagon à bestiaux les transportant vers un autre camp, au sud de l’Allemagne. Gitta ne se remettra jamais de leur disparition, mais elle poursuivra son chemin, subira la dictature communiste avant de pouvoir émigrer en France. Les Dialogues avec l’ange seront publiés en 1976. Pour avoir sauvé la plupart des femmes et des enfants de Katalin, elle sera honorée du titre de Juste parmi les nations en 2012, vingt ans après « sa montée au ciel ».
Françoise Maupin