Le 6 août, les églises orthodoxes et romaines fêtent depuis des siècles la Transfiguration du Christ. Les Évangiles relatent que, monté sur la montagne avec trois disciples, Jésus leur apparaît transfiguré, conversant avec Moïse et Élie, deux grands prophètes du judaïsme.
« Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la montagne pour prier. Pendant qu'il priait, l'aspect de son visage changea et son vêtement devint d'une blancheur éclatante. Et voici que deux hommes s'entretenaient avec lui; c'étaient Moïse et Élie ; apparaissant dans la gloire, ils parlaient de son prochain départ qui allait s'accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil mais, restés éveillés, ils virent la gloire de Jésus et les deux hommes qui étaient avec lui. Au moment où ces hommes se séparaient de Jésus, Pierre lui dit : « Maître, il est bon que nous soyons ici. Faisons trois tentes: une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu'il disait. Comme il parlait ainsi, survint une nuée qui les recouvrait. La crainte les saisit au moment où ils y pénétraient. » Luc 9. 28-34
L’entretien du 13 octobre 1944 des Párbeszédek az angyallal évoque cet épisode et explique en quoi le disciple ne savait pas ce qu’il disait :
Maison sur le roc.
Jésus est le roc.
Son pied marche sur le roc, gravit la montagne.
Là, en haut, s'ouvre le ciel,
et la matière se transfigure en Gloire.
Le disciple ignorant balbutie,
il n'a encore jamais vu
Lumière et matière unies : miracle.
« Dressons la tente ici, en haut,
dans la lumière sur la montagne. »
Le disciple ne savait pas ce qu'il disait.
La nouvelle demeure n'est pas bâtie ;
la nouvelle demeure descend,
si elle trouve le vrai roc.
Le vrai roc que le Ciel accueille,
c'est l'Individualité pure et intacte.
Le roc aussi n'est que terre,
mais qui s'élève vers le haut,
force merveilleuse, rassemblée.
Sommet au-dessus du brouillard,
patrie de la joie éternelle, de la sérénité.
« Soyez sur la montagne, toujours sur le sommet !
Que tous vos actes s'accomplissent là-haut, au sommet,
au-dessus du péché, du brouillard, du diable.
Toujours en haut sur la montagne ! »
(Párbeszédek az angyallal, Entretien 79, p. 352)
Le disciple voulait s’installer en haut, et perdre le contact avec la terre. L'ange avait indiqué dans un précédent entretien qu’on faisait fausse route en cherchant à s’élancer vers l’esprit, qu’il fallait tout simplement vivre, et s’accomplir en tant que lien entre matière et esprit, entre monde créé et monde créateur. Il précise maintenant que le Ciel a besoin d’un roc pour descendre et insiste sur la nécessité pour l’homme de se situer au sommet du roc.
Le but n'est ni le bas, ni le haut.
LUI n'habite pas en haut – LUI n'habite pas en bas.
LUI, IL habite dans l'accompli.
Le but est : faire le lien.
Sans lien, rien ne vit.
L'élu ne tend ni vers le haut, ni vers le bas.
L'élu vit et cela est le lien.
L'esprit pétrit la matière.
La matière appelle l'esprit.
Le chant de l'élu est le lien
entre matière et esprit – esprit et matière.
AZ ANYAGBA SÜLLYEDNI -
C'EST LA MORT.
S'ÉLANCER DANS L'ESPRIT –
C'EST DU PASSÉ.
MAIS MAINTENANT LA VOÛTE SE FORME, LE LIEN.
(Párbeszédek az angyallal, p. 309)
Le calendrier rapproche deux évènements hautement symboliques qui ont marqué l’histoire humaine : la Transfiguration de Jésus et l’explosion de la première bombe atomique à Hiroshima. Il n’y a pourtant rien de commun entre la désintégration de la matière dans un flash de lumière mortel, et sa transfiguration par la Lumière. Il n’y a rien de commun non plus entre la crainte de ceux dont les yeux s’ouvrent à l’éternité et l’effroi de l’humanité se découvrant mortelle. Mais malgré tout ce qui les oppose, ces deux « 6 août » illustrent chacun dans leur domaine les impasses dans lesquelles l’homme se fourvoie à vouloir se cantonner dans la matière ou dans l’esprit. Pour avancer et faire advenir l’Homme, dont l’ange dit qu’il ne le voit pas encore, la tâche de l’homme est de faire le lien entre matière et esprit, matière et Lumière, à l’intérieur de lui-même et non pas à l’extérieur par la manipulation des atomes.
La Lumière peut se manifester en chacun de nous comme en témoigne Motolitov, disciple de Séraphin de Sarov, saint orthodoxe russe mort en 1833, dont le corps et le visage lui apparurent transfigurés : « Représentez-vous la face d'un homme qui vous parle au milieu d'un soleil de midi. (…) Vous n'apercevez ni ses mains, ni son corps, ni le vôtre, mais seulement cette éclatante lumière qui se propage à plusieurs mètres de distance tout autour, éclairant la surface de neige recouvrant la prairie ».
MC / EL